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Fiche de préparation pour la délibération du troisième comité de lecture

Agnes Marietta

Pour introduire la dernière séance de délibération et de vote du 3ème comité de lecture, nous lisons, à haute voix, la fiche proposée par Agnès Marietta

Séance délibérations comité TROIS

Le gambit du soldat Sergent Grégoire Maréchal (Editions Théâtrales Grand Sud Ouest)

Les quatre cents coups de pédale Quentin Laugier

JH cherche fusil Aude Sabin

Les miettes Ingrid Boymond

 

Premier texte : Le gambit du Soldat Sergent (Grégoire Maréchal)

Fidèle à la tradition du duo comique, ce texte laisse une grande place au jeu et notamment au gag visuel et clownesque. L’originalité de cette comédie c’est le thème abordé : l’absurdité de la guerre, et on pourrait dire, du commandement aveugle et sourd à toute logique. Penser c’est commencer à désobéir, scande Michel, et ne pas penser c’est trahir son humanité. En voulant bien faire, Damien perpétue le mal, se met en position de tortionnaire avec son prisonnier et finalement se fait sauter parce qu’il a participé à ce jeu de dupes où chacun est un pion et où on ne voit jamais ceux qui tirent les ficelles. L’auteur manie l’art de la réplique qui fait mouche. Ce décalage de rire et de cruauté est très efficace. En faisant de Damien un bassonniste très attaché aux sourcils de Marie-Cécile, l’auteur saupoudre un peu de poésie dans ce monde de brutes.

On pense à Charlot à la guerre (1918), Le dictateur (1940), deux films de Charlie Chaplin qui mettent le clown en plein dans le champ de bataille et dans l’horreur, dans le temps même de la guerre.

Docteur Folamour ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe, comédie militaire et satyrique de Stanley Kubrick (1964) est dans un registre similaire : rire-horreur.

MASH (Mobile Army Surgical Hospital) de Robert Altman réalisé en 1970 en pleine guerre du Vietnam dénonçait par un humour d’une noirceur grinçante les horreurs de cette guerre vues par le dispensaire médical d’un camp américain.

 

Deuxième texte : Les quatre cents coups de pédale (Quentin Laugier)

Hymne à la liberté, ce texte n’omet aucune situation où l’être humain peut se faire piéger entre des barreaux. Cassie est piégée dans un corps d’homme alors qu’elle se sent femme. Sarah et Antoine sont piégés par le couple et ses concessions, Dario Valenx par une obsession qui devient un gouffre financier, Hélène par son ambition, et tout explose, tout se craquèle jusqu’à faire apparaître enfin, la vérité, qui était là sous nos yeux : nous ne sommes prisonniers qu’à condition d’y consentir, prêts à nous oublier pour la gloire, pour rien, pour gâcher notre vie comme si nous en avions plusieurs.

Le style est trash, direct, plein de vie, comme un coup de pied dans les habitudes, comme un coup de gueule, comme un trop-plein qui a besoin de déborder.

Les références à Xavier Dolan sont évidentes : Laurence anyways (2012) l’histoire d’un amour impossible. Mommy, l’histoire d’une relation torturée tourmentée impossible entre une mère et son fils, Juste la fin du monde, adaptation d’une pièce de Jean-Luc Lagarce.

Mais j’ai pensé aussi très fort à Almodovar, le réalisateur madrilène qui a toujours joué avec les genres,les trans-genres, le brouillage des identités sexuelles et les histoires de familles : dès Attache-moi (1989) l’auteur-réalisateur se plaît à écrire des dialogues très crus, très libres et aime à renverser les situations. Talons aiguilles(1991), Tout sur ma mère (1999), Volver (2006)

Si vous aimez cette liberté de ton et de thèmes, n’hésitez pas à aller voir du côté des Chroniques de San Francisco, chronique littéraire (parution entre 1978 à 2014) d’Armistead Maupin qui fit grand bruit et décrit les années soixante-dix dans le quartier gay de San Francisco. Une série télévisée a été tournée.

 

Troisième texte JH cherche Fusil (Aude Sabin)

Constituée comme un puzzle à recomposer, la pièce tourne autour de Hélène, jeune femme qui semble fuir le bonheur avant qu’il ne se sauve (pour paraphraser la chanson de Gainsbourg, chantée par Adjani). Elle a peur de perdre, de souffrir, de s’attacher, s’engager alors elle fait tout vite, sans amour, presque absente à ses propres choix. Le Fils, son fiancé, lui aussi, semble dépossédé de sa propre vie, mangé, dévoré, étouffé par des parents qui se détestent et ne vivent que dans l’attente de ses visites. C’est comme un traquenard qui se referme sur lui, et qui finit par les piéger tous. Ce texte est écrit comme un cauchemar, qui mélange les scènes très réelles et très déformées. Est-ce que c’est un jeu, est-ce que c’est un fantasme, une angoisse ?

Le style de cette autrice est très cru, très direct. Ça fonctionne tout de suite à l’écoute. C’est une sorte d’horreur du très-réel, comme si tout était grossi à la loupe.

Rien ne finit bien, pour personne.

Twin Peaks David Lynch

Le chat de Simenon

 

Quatrième texte, Les miettes (Ingrid Boymond)

César et Malune deux humains mal-dégrossis fondent une famille et bientôt une entreprise qui commence par s’octroyer les Chutes du Niagara et fait la commercialisation du thon en boîte. Bientôt ce ne sont pas seulement les thons qui sont en miettes mais la belle entente familiale qui part en sucette. Tout le monde se déchire, pour plus de pouvoir, plus d’argent, par rivalité bête et méchante et personne ne rattrape personne.

Cette comédie féroce et étonnante joue avec les mêmes ressorts que certaines farces de Ionesco, comme Macbeth, ou Shakespeare ou Le Roi Ubu de Alfred Jarry. Le langage est toujours décalé et nous sommes face à des figures plus que des personnages, des marionnettes dont les ficelles sont grosses et cassent et se re-tricotent sous nos yeux.

Humains ? Pas forcément.

Ou trop, justement.

Il y a une jubilation dans le langage, dans la mécanique qui s’enraye, s’emballe et s’accélère jusqu’à la destruction totale dans la fornication, la sur-production et le sang.

Ça me fait penser à Italo Calvino : le Vicomte pourfendu, Le Chevalier Inexistant, des contes surréalistes qui dénoncent le mauvais côté de l’être humain en lutte avec le bon.

 

Si le métier de critique ou l’exercice de la critique vous intéresse, je vous recommande d’écouter à la radio :

Le masque et la plume, France Inter – tous les dimanches à 20H.

La tribune des critiques de disques, France Musique, tous les dimanches de 16h à 18H, trois critiques de musique classique écoutent des extraits d’une même œuvre et doivent en choisir une. Ils ne savent pas qui sont les interprètes.

– La dispute, France Culture tous les jours à 19H

Si vous avez envie d’écrire des fictions et que vous ne trouvez pas d’inspiration :

Vous pouvez écouter sur France Culture, Les pieds sur terre, tous les jours de 13h30 à 14H, ce sont des petits documentaires, témoignages sur un thème donné et ça donne de la matière pour réfléchir, pour des idées de fictions, des situations de pièces.

 

Pour écrire votre intervention

Si vous avez un texte vraiment coup de cœur alors n’hésitez pas, mettez le paquet : lisez-nous des extraits, parlez-nous de ce que ça vous évoque, des images qui vous sont venues, de votre admiration pour le style. C’est ça convaincre, c’est parler avec le cœur. Tout ce qui est « rationnel, objectif » personne ne l’écoute.

 

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